Thursday, April 15, 2010

La Chevelure

Ô toison, moutonnant jusque sur l'encolure!
Ô boucles! Ô parfum chargé de nonchaloir!
Extase! Pour peupler ce soir l'alcôve obscure
Des souvenirs dormant dans cette chevelure,
Je la veux agiter dans l'air comme un mouchoir!

La langoureuse Asie et la brûlante Afrique,
Tout un monde lointain, absent, presque défunt,
Vit dans tes profondeurs, forêt aromatique!
Comme d´autres esprits voguent sur la musique,
Le mein, ô mon amour! nage sur ton parfum.

J'irai là-bas, où l'arbre et l'homme, pleins de séve,
Se pâment longuement sous l´ardeur des climats;
Fortes tresses, soyez la houle qui m´enlève!
Tu contiens, mer d´ébène un éblouissant rêve
De voiles, de rameurs, de flammes et de mâts:

Un port retentissant où mon âme peut boire
À grands flots le parfum, le son et la couleur;
Où les vaisseux, glissant dans l´or et dans la moire,
Ouvrent leurs vastes bras pour embrasser la gloire
D´un ciel pur où frémit l'eternelle chaleur.

Je plongerai ma tête amoreuse d´ivresse
Dans ce noir océan où l´autre est enfermé
Et mon esprit subtil que le roulis caressent
Saura vous retrouver, ô féconde paresse!
Infinis bercements du loisir embaumé!

Cheveux bleus, pavillon de ténèbres tendues,
Vous me rendez l´azur du ciel immense et rond;
Sur les bords duvetés des vos mèches tordues
Je m´enivre ardemment de senteurs confondues
De l´huile de coco, du musc et du goudron.

Longtemps! Toujours! Ma main dans ta crinière lourde
Sèmera le rubis, la perle et le saphir,
Afin qu'à mon désir tu ne sois jamais sourde!
N'es-tu pas l'oasis où je rêve, et la gourde
Où je hume, à longs traits le vin du souvenir?

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