Monday, July 20, 2009

Le Flacon

Il est des forts parfums pour qui toute matière
Est poreuse. On dirait qu'ils pénètrent le verre.
En ouvrant un coffret venu de l'Orient
Dont la serrure grince et rechigne en criant,

Ou, dans une maison déserte quelque armoire
Pleine de l'âcre odeurs des temps, poudreuse et noire
Parfois, on trouve un vieux flacon qui se souvient
D'où jaillit toute vive une âme qui revient.

Mille pensers dormaient, chrysalides funèbres
Frémissant doucement dans les lourdes ténèbres
Qui dégagent leur aile, et prennent leur essor,
Teintés d'azure, glacés de rose, lamés d'or.

Voila le souvenir enivrant qui voltige
Dans l'air troublé. Les yeux se ferment, le Vertige
Saisit l'âme vaincue, et la pousse à deux mains
Vers un gouffre obscurci des miasmes humaines.

Il la terrasse au bord d'un gouffre seculaire
Où, Lazare odorant déchirant son suaire,
Se meut dans son reveil, le cadavre spectrale
D'un vieil amour ranci, charmant et sepulcral.

Ainsi, quand je serai perdu dans la mémoire
Des hommes dans le coin d'une sinistre armoire,
Quand on m'aura jeté vieux flacon désolé,
Décrépit, poudreux, sal, abject, visqueux, fêlé;

Je serai ton circueil, aimable pestilence
Le témoin de ta force et de ta virulence
Cher poison préparé par les anges! Liqueur
Qui me ronge, ô la vie et la mort de mon coeur!

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